Les 29, 30 et 31 décembre :
Nous partons de Mopti en 4x4 climatisé avec chauffeur cette fois.
Et je vous assure que ce n’est pas un luxe !
Mopti-Bandiagara se fait sans souci, la route est bonne. Nous
voulons déposer nos valises à l’hôtel que nous avions réservé au Cheval Blanc,
mais la chambre d’appoint qu’il restait ne nous convient pas (c’est le toit de
dernier secours, pour les vrais routards : pas de salle de bain, et ce
n’est pas très propre…). Et pourtant, le lieu est vraiment sympa, les chambres
normales en dômes de pierres. Tout est archi plein !! Nous décidons de
dormir plutôt en campement, à Sangha. Heureusement il reste juste une place
pour nous.
Nous continuons donc la route vers le nord-ouest. Cette fois, c’est
la piste : sable, pierres, passages de gués… ça secoue fort !
Le paysage est superbe, baobabs, palmiers, etc…, mais sec. C’est
impressionnant de voir comment en quelques kilomètres, la végétation change, et
d’imaginer tout ça à la saison de l’hivernage, lorsque tout est vert.
Avant de vous raconter la suite, un peu d’histoire pour comprendre les lieux, tellement riches en cultures et traditions (vous en trouverez des tartines dans tous les guides sur le Mali) :
Les falaises de Bandiagara sétirent sur près de 150 km à travers le
Sahel jusqu’à l’est de Mopti. L’idéal pour visiter la région est le treck…
Solution que nous n’avons pas choisi, faute de temps, et aussi pour éviter des
enfants desséchés (le soleil tape fort la journée !) et râleurs !
Les premiers habitants de cette région étaient les Tellem, petits
hommes de moins d’un mètre. Ils vivaient de chasse et de cueillette et
s’étaient installés dans des trous de la falaise et dans des maisons de terre
rondes accolées à cette dernière. Il faut imaginer (avec beaucoup d’effort), le
paysage de l’époque, couvert de végétation. Les falaises dégoulinantes de
lianes et de verdure, la faune sauvage importante (lions, gazelles, éléphants,
singes, crocodiles, serpents, …) peuplant la forêt… Les Tellem étaient animistes,
et surtout, d’après un de nos guides, très forts en magie !!! C’est ce qui
explique la facilité avec laquelle ils construisaient leurs habitations à flanc
de falaise : un coup de baguette magique sur le banco, et hop, le tour
était joué, la case montée dans les hauteurs. Ils pouvaient aussi voler pour
atteindre leurs habitations (humm…) !
Les Dogons arrivèrent dans la région au XVème siècle, fuyant le
pays Mandingue subissant une forte islamisation à l’époque. Ils s’installèrent
tout près des Tellem et commencèrent à couper les arbres pour cultiver la
terre. La cohabitation ne se passa pas très bien, les Dogons coupant les
ressources des Tellem. Des affrontements finirent par repousser le peuple de
« bouts d’hommes » vers d’autres contrées : ils seraient
apparentés aux Kouroumba du Burkina-Fasso et peut-être les ancêtres des Pigmés
actuels ??… Les Dogons ont fini par céder à la vague d’islamisation, mais
gardent leur culture animiste. Les petites mosquées cohabitent avec les rituels
et croyances animistes encore de nos jours. Et les maisons des Tellem servent
de cimetière aux Dogons.
Tout le site des falaises et des villages Dogon a été classé
« patrimoine de l’humanité » par l’UNESCO, ce qui permet d’amener des
fonds pour la sauvegarde de ces témoins archéologiques, et aussi de la culture
Dogon, de cette architecture de terre… Ceci amène bien évidemment son flot de
touristes, concentré sur 3-4 mois (de novembre à février), lorsque la
température est supportable (pas au dessus de 40°C !!).
Après déjeuner, nous partons visiter un premier village Dogon, le
village de Songho, situé au bord d’une falaise. Ici, habitent environ 2 800
personnes, ils sont alimentés en eau par 5 forages, financés en partie par une
ONG Japonaise. Les habitants vivent dans des maisons en pierres et en banco,
ils stockent leurs récoltes dans des greniers de deux sortes différentes :
les greniers femelles (un par femme), qui conservent les céréales (mil,
cacahuettes, fonio, haricots secs), et
condiments qui serviront au troc ou au commerce ; et les greniers
mâles, plus grands, qui servent à garder la nourriture pour toute la famille.
Les greniers sont seulement en banco, bâtis sur pilotis et coiffés d’un petit
toit chapeau en paille (contrairement aux habitations). Ils sont très jolis,
parfois ronds, parfois carrés, cela dépend des villages…
Nous montons de quelques mètres pour visiter le site rituel des
cérémonies de circoncision. Le lieu est à flanc de roche et couvert de
peintures symboliques de trois couleurs : le noir (charbon) illustre la
période de la naissance à la circoncision, l’état d’ignorance ; le rouge
(terre) représente le sang, la souffrance, la circoncision elle-même ; le
blanc (mélange de fientes d’oiseaux et de poudre d’os) représente la lumière,
le savoir, l’après - circoncision.
La cérémonie à lieu tous les 3 ans et concerne tous les garçons de
14-15 ans de nombreux villages avoisinants. C’est le passage à l’age adulte et
responsable. C’est aussi une preuve de courage qui peut être récompensé par la
famille : cadeau d’un bœuf. Car bien sûr, aucune anesthésie n’est
pratiquée ! La cérémonie dure 30 jours. Avant de commencer, l’on sacrifie
3 poulets noirs et l’on en verse le sang sur le fétiche, pour protéger contre
le mauvais esprit. On sacrifie aussi une chèvre blanche avant de sortir les
instruments de musique réservés uniquement à la cérémonie, tout comme en fin de
cérémonie, l’on sacrifie un poulet noir pour les remettre en place jusqu’à la
prochaine.
Le premier jour est consacré à la circoncision elle-même, et les
jours suivants aux soins médicinaux traditionnels pour la bonne cicatrisation
et surtout à l’enseignement initiatique de déchiffrage des signes, et
d’initiation à la cuture Dogon. Pendant 30 jours, les jeunes passent la journée
sur le lieu en compagnie du vieux sage du village, et la nuit, dans une case
toute spéciale pour eux un peu en retrait. Personne ne doit les voir durant
cette période, surtout pas les femmes !
A la fin de la cérémonie, une course de tous les nouveaux circoncis
est organisée et les trois premiers sont récompensés : le premier gagne
des terres à cultiver, le second, la plus belle fille du village et le
troisième, un troupeau de bétail.
Le village possède une école constituée de 6 classes pour 158
élèves. Nous visitons la classe des plus jeunes située au milieu du village
dans une case en banco. Les élèves sont 45, assis sur des bancs en bambou, 3
par place. On imagine un jour de classe (ce sont les vacances en ce moment),
tout le monde dans ce petit espace. C’est l’instituteur lui-même qui nous fait
la visite, et nous lui laissons un petit billet pour la caisse de l’école. Au
tableau :
La petite Kadidia a une kola. Kadidia dit : « Oh, la
bonne kola, la jolie kola ! ».
kadidia casse la kola. La kola n’est pas bonne, la kola est gatée :
« Hi, hi, hi ! », dit Kadidia. Kadidia ne s’est pas régalée.
Nous poursuivons la route jusqu’en haut du village de Sangha. A cet endroit se
dispersent 10 villages sur le plateau, et 47 en bas. Sangha étant le plus
important. Le chauffeur nous dépose en haut de la falaise, et nous récupèrera
plus tard en bas. Nous descendons donc à pied la roche par un escalier naturel
bien escarpé, suivis de nombreux enfants, tous très attentionnés pour nous
aider dans les passages difficiles, mais aussi pour nous vendre quelques babioles.
Nous croisons en cours de chemin des femmes grimpant nu pied avec de volumineux
chargements sur la tête : c’est impressionnant !! (vous ne les verrez
pas, car elles refusent d’être photographiées)
En bas, nous passons devant une belle Toguna (case à palabre) dont le toit
est traditionnellement très bas. On tente d’y résoudre les problèmes sous le
conseil des vieux sages. On se doit d’y discuter assit, et calmement. Tout
énervement, emportement est immédiatement puni… par le plafond ! Ces cases
sont souvent couvertes de 8 couches d’épis de mil. Il y fait frais.
Le paysage d’en bas est impressionnant : on y voit accroché à
la falaise, les anciennes maisons de Tellem, ressemblant à un univers de conte
de fée.
Nous nous dirigeons vers la mare sacrée d’Amani, ou l’on y
rencontre plus d’une centaines de crocodiles. L’endroit est protégé par
quelques piquets pour éviter au bétail de s’approcher. Mais les crocodiles
peuvent circuler en toute liberté. Apparemment, ils ne sont pas dangereux,
étant nourris régulièrement par les villageois…
Nous dormons au campement de Sangha.
Le lendemain, nous partons vers le sud, visitons le village de Djiguibombo :
environ 300 habitants, divisé en trois quartiers (musulman, animiste et
chrétien), parsemé de multiples lieux de cultes et interdits. Il vaut mieux
être guidé pour ne pas mettre les pieds là où il ne faut pas, et payer le prix
d’un animal à sacrifier pour calmer les esprits très susceptibles !
Nous déjeunons dans le village de Teli, en bas de la falaise. Le
resto est « rapide » (environ 1 h d’attente !), copieux et
bon !!! Après une courte digestion, nous partons cette fois vers les hauteurs,
visiter l’ancien village de Tellem et de Dogons, dans la falaise. Un souvenir
inoubliable de circuler dans ces dédales de maisons dans les hauteurs !!!
mais aussi une chaleur de bête pour nous. On voit de près les cases rondes des
Tellem, les cases carrées de Dogons, la ginna ou maison du Hogon (chef
spirituel du village), la maison du chasseur avec tous ses crânes de singe
collés au mur, les greniers, les petites cultures de tabac,… et une vue
merveilleuse !
Dans le bas, nous passons voir la mosquée de Teli avant de
partir : une petite merveille, tout en banco traditionnel, construite il y
a 11-12 ans.
Nous retournons à Bandiagara car notre chauffeur nous quitte ce
soir. La chance nous sourit car nous trouvons de suite une chambre d’hôtel (un
désistement de dernière minute !). Nous allons pouvoir nous reposer
confortablement.
Le lendemain, journée calme, un peu de travail, un peu de repos et
la visite du palais d’Aguibou Tall : une superbe habitation en banco,
réalisée par le même maçon que la mosquée de Djenné. Nous apprenons un peu
d’histoire de la région. Mais nous sommes déçus : le festival Dogon de ce
soir à Bandiagara est annulé… Il devait y avoir des danses, et spectacles.
Le soir, c’est la fête à l’hôtel : dîner en musique !
Bonjour, je viens de lire votre voyage en pays dogon. Bravo pour les photos, qui donnent envie de partir encore une fois. Vous avez du prendre bien du plaisir malgré la chaleur. Thierry et Emma se joignent à moi pour vous souhaiter une belle et heureuse année 2010. J'enverrais des photos de la neige sur ton adresse habituelle. On vous embrasse tous les 4. A bientôt.Isa
Rédigé par : Isabelle F | 04 janvier 2010 à 11:00