Les 24, 25 et 26 décembre :
Nous partons de Ségou pour Djenné en taxi privé tôt le matin. La voiture et le chauffeur sont bien meilleurs que précédemment.
Nous arrivons au
Djenne-Djenno pour le déjeuner. Cet hôtel est superbe : architecture en
banco, confort simple, mais si joli, avec un jardin verdoyant de
bougainvilliers, bananiers, papayers.
Nous découvrons quand le soleil descend un peu, la ville incroyable
de Djenné, en carriole à cheval.
Djenné, ville historique aujourd’hui classée au patrimoine mondial
de l’humanité par l’UNESCO, fut fondée au IXème siècle, et semble à peu de
choses prêts, n’avoir pas beaucoup changé. Située au cœur du delta intérieur du
Niger, Djenné est comme une île bâtie de terre. Cette architecture toute
particulière est soigneusement entretenue et préservée par ses habitants
(interdiction de construire autrement qu’en banco). Nous voyons pour la
première fois, en vrai, ce qui m’a longtemps fait rêvé : la grande mosquée
de Djenné aux courbes arrondies et aux poutres saillantes. Des excès peu
glorieux de certains touristes ont malheureusement interdit l’accès à
l’intérieur de la mosquée aux non-musulmans… Dommage, nous ne verrons pas
l’intérieur !
Le lendemain, nous partons avec la fraîcheur matinale, faire la
visite guidée de la ville.
Djenné connut son réel essor au XIIIème siècle, suite à l’abandon
de l’ancienne ville Djenné-Djenno (aujourd’hui site archéologique), ravagée par
la sécheresse, la maladie (mouche tsé-tsé) et les problèmes de religion. La
tradition raconte que pour s’assurer de la prospérité de Djenné (la nouvelle
ville), le marabout de l’époque fit faire le sacrifice d’une très belle jeune
fille vierge, Tapama Djennepou : elle fut emmurée vivante dans la ville.
Tous les problèmes furent alors réglés !!!
Les dédales des ruelles se parcourent à pied, en 2 roues ou à dos
d’âne. Peu de choses ont changé depuis le moyen âge : la présence
malheureuse de sacs plastiques, la mise en place de fosses sceptiques à chaque
maison, évitant le rejet pur et simple au milieu des rues, et
l’électricité sont arrivés il y a peu !
Les maisons ont souvent 1 étage. Elles sont faites de briques de
terre. Les briques anciennes, nommées djennéféré, étaient en forme de boules, à
base de terre, de beurre de karité et de son de riz. Cette technique donnait
des murs très solides résistant mieux aux pluies, mais coûtait très cher à
cause de l’emploi du beurre de karité. Depuis la colonisation, les blancs ont
amenés leur technique moins onéreuse, plus pratique, mais résistant moins bien
aux pluies de l’hivernage : les toubaboubriquis, faites de terre et de torchis.
Sur certaines maisons, on peut voir les deux techniques cohabiter, avant
l’entretien saisonnier qui recouvre tout d’une couche de torchis lissé.
L’entretien du banco se fait tous les ans à la saison sèche et
demande donc un soin permanent. Mais ça en vaut la peine : les lignes sont
belles et arrondies, la couleur se fond dans le paysage et surtout, le confort
thermique est bien supérieur aux constructions en parpaings de ciment !!
La mosquée, trésor architectural est entièrement fait de briques
anciennes (en boules). La première mosquée, multiséculaire (XIIIème siècle),
fut détruite au XIXème siècle par Cheikou Amadou (chef politique et religieux
de l’époque) qui instaura un islam intégriste et chassa les marchands du temple
de la ville. La mosquée que l’on voit aujourd’hui date de 1907. Elle fut
construite à l’identique sur les fondations de l’ancienne.
Une forte pluie inattendue de novembre a eu raison d’une des tours qui s’est écroulée. Cette dernière est en ce moment même en cours de reconstruction. La terre éboulée est ré-humidifiée et les briques en boule sont reformées en ajoutant un peu de son de riz. Par ailleurs, les parois sont en cours de crépissage. Alors il y a quelques échafaudages…
L’UNESCO a aussi financé la construction d’un musée qui aurait dû
être ouvert au public cette fin d’année… Le bâtiment a bonne tournure, mais
n’est pas encore fini…
Notre guide nous montre trois exemples typiques
d’architecture de maison :
La maison Toucouleur, apparue vers 1860, suite aux intrusions
violentes des Toucouleurs qui faisaient des rapts express en entrant à cheval
dans les maisons. Des doubles portes ont alors été construites, donnant une
avancée à l’entrée de la maison.
La maison de style marocain, du XVIème siècle, où apparaissent des moucharabias au 1er étage pour
permettre aux femmes, interdites de sortir, de voir sans être vues.
Et le style soudanais, comme la mosquée.
Aujourd’hui, 2 religions (musulmane et animiste) et 7 ethnies
cohabitent à Djenné avec au total 20 000 habitants, chacun ayant une fonction
spécifique : les bozos (pêcheurs), les markas et les Song Haï (commerçants), les dogons et les bobos (maraîchers), les peuls (éleveurs) et les bambaras (agriculteurs).
Djenné fut un haut lieu de l’islam, et compte depuis des siècles de
nombreuses écoles coraniques, allant des premiers niveaux (où l’on apprenait à
lire et à écrire arabe, sans le comprendre !), aux niveaux universitaires
- médersas (où étaient abordées enfin les notions théologiques, mais aussi les
sciences comme l’astronomie, l’astrologie, les mathématiques,…).
Aujourd’hui, la ville compte encore 42 écoles coraniques dont 12 de
niveau universitaire, mais aussi des écoles laïques (françaises) et une école
franco-arabe. Ici, les enfants peuvent suivre l’école coranique et laïque car
les horaires sont compatibles, mais il faut se lever très tôt le matin (6h pour
le début des cours) !
Bien, après toutes ces nouvelles informations, nous visitons aussi
une coopérative de femmes qui font… du bogolan (encore et toujours !).
Cette fois on craque pour une grande pièce.
Un petit tour aussi du côté d’un des rares artisans brodeurs mains,
Ousmane Traore. Il est maintenant le seul, avec son fils à fabriquer les grands
boubous traditionnels blancs de Djenné : faits de l’assemblage de bandes
étroites de coton tissé main, puis ensuite brodées en blanc (points de
chaînettes, jours, et dentelle à l’aiguille). La fabrication d’un boubou de ce
type peut durer 1 an. Leur prix est
donc cher et seuls les chefs pouvaient les porter. Aujourd’hui, la
clientèle n’est plus vraiment là, alors Ousmane brode plus petit, des coussins,
des chemises plus simples… Je me retiens de faire une folie d’une pièce
ancienne (brodée par son père), un grand boubou magnifique… Mais c’est tout de
même 500 000 FCFA !!!
Sur la carte d’Ousmane Traore : « 1 morceau d’auparavant
pour le monde d’aujourd’hui ». On lui souhaite de continuer longtemps…
Et puis, nous prenons aussi un peu de temps du côté du bijoutier où
l’on achète une bague à fétiche en argent, et un anneau bicolore argent et
bronze. On restera le temps des opérations de mise à la taille pour suivre les gestes de l'artisan.
Et nous profitons aussi de l’hôtel, de son jardin splendide, de sa
terrasse au coucher du soleil, de son petit âne, du sourire du personnel…
Ah, oui ! Pour les ragots, nous avons une nuit un voisin de chambre VIP : Jack Lang, en visite au Mali pour le pays Dogon. Il a le même parcours que nous… Sa réputation d’homme imbu de lui-même et de mauvais payeur se confirme… L’image de la France n’est pas bien belle !
Les photos de Djenné
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